Lundi, il fait chaud

Hier il a fait chaud. Très chaud. Ca a commencé à la plage comme de bons bidlu, ça a fini chez notre tutrice avec 6 shots chacun et du vin.

Le compte rendu est à venir, là j'ai la flemme et je dois aller acheter un équivalent russe de Biafine pour pouvoir dormir sur le dos cette nuit.

Je vous laisse avec néanmoins un petit teaser:



- Charles P

Aaah, Omsk et son patrimoine architectural ancestral...

- Arthur L.

CR !
Je rajoute aussi quelques histoires glanées dimanche soir en se baladant dans la ville avec Ben.

J7 : dimanche 24 juillet

Ben said :
Il y a quelques mois, dans les fondations d'un des immeubles perpétuellement en construction (comme à Acapulco) de la ville, il y avait un coin Bring Your Own Bottle, où la scène d'Omsk jouait du rock et un peu de metal entre amis. Les organisateurs ont été contacté par le FSB, ils ont fermé l'endroit.
Le service militaire est affreux. Beaucoup cherchent à avoir 5000 dollars à la fin de leurs études pour pouvoir corrompre et l'éviter, mais quelques recruteurs passent dans la rue, demandent ton papier qui te dispense d'armée, et si tu ne l'as pas ils t'emmènent avec eux dans le fourgon, direction Camp d'Entraînement.
Un appelé, un ami d'ami de Benjamin, a été retrouvé dans le train vers son service militaire, pendu. Quelqu'un lui avait volé ses organes.
Un autre, pour le bizutage, a dû aller au sauna avec un masque à gaz. En sortant il saignait des yeux, du nez et des oreilles.
Se balader dans Omsk la nuit c'est safe. Surtout à trois garçons. Les gens ont peur car il y avait beaucoup de criminalité dans les années 1990, mais que ça a baissé en pas si longtemps. Désormais, il y a des verrous aux portes et des barreaux aux fenêtres du rez-de-chaussée.

Jour 8 : lundi 25 juillet

Aujourd'hui, on tourne de boulot. Quentin passe au camion Caritas avec boss Sacha, Charles aux petites réparations avec boss Victor, et moi à la cuisine avec boss Olga. Sauf que rapidement, Charles me rejoint, envoyé par Victor qui n'avait pas d'autre mur à repeindre...

J'épluche des pommes de terre. Ou plutôt Olga met les patates dans la machine à éplucher (une cuve aux bords en râpe et le fond qui fait sauter les légumes), et je dois enlever les dernières peaux et jeter les patates noircies. En une heure on finit le sac. Les pommes de terre ensuite découpées à la machine sont envoyées dans la soupe pour les sans-abris. Suite à ce travail herculéen, c'est la pause ! Les dames nous proposent du thé et des brioches (miam !) pour nous sustenter. On repart avec le sourire faire un peu de vaisselle, mais à trois avec Benjamin qui nous a rejoint en tablier, c'est vite expédié. Direction un peu de compte-rendu et la pause-déjeuner !

L'après-midi à Caritas passe rapidement également. Je nettoie des marmites, une louche géante et un four à brioches, et un peu de vaisselle des déshérités qui viennent manger au restaurant du foyer.
On est libérés en une heure ou deux. Charles se dirige vers la plage pour lire Guerre et Paix en français et le montrer aux filles alanguies, moi j'attends Quentin en envoyant quelques mails. Valeureux Dupuis rentre une heure après de sa tournée de distribution. On met nos plus belles tongs pour rejoindre Pelletier. J'essaie d'acheter une bouteille d'eau sur le chemin, mais suite à une confusion étrange, je me retrouve avec une bouteille de Pepsi. D'accord.

L'arrivée sur la plage se fait entre des splendides créatures qui se font dorer au soleil de l'Irtysht grise, des bodybuilders qui s'exercent presque naturellement, et le pont barrant l'horizon avec des 4x4 et des camions de marchandise. Charles est là, en compagnie de Nikolai (un Russe de samedi, avec un tatouage Quentin Tarantino à la cheville) et son pote Kostya (Konstantin, pour changer) ; ils ont détourné le Canadien de sa lecture culturelle à coup de bouteilles offertes. Kostya rentre de son service militaire.
Pour commencer, on se met en caleçon pour aller se baigner. Il fait chaud et lourd, l'eau est délicieuse, même si je ne plongerais pas la tête par crainte de me retrouver avec un troisième œil [Note : on retrouve une caractéristique d'Acapulco, donc ! Avec tout de même de l'eau moins claire]. Quentin nous refait des backflips, ce héros. Des filles accourent dans l'eau, le courant surprenant nous poussent vers elles, mais elles ont l'air d'Européennes de 18 ans, ça fait 14 ans en Russie, on remonte sur la plage.
Avec Nikolia et Kostya, on partage des chips au paprika, plusieurs litres de bière inattendue, et on échange sur l'opportunité de faire du topless si c'est pour se cacher avec son bras, sur l'importance de l'argot dans les relations inter-culturelles, et sur l'utilisation du mot "nègre" pour désigner les Noirs. Ces Russes ne voient pas le problème avec ce mot, on parle d'esclavagisme etc., ils nous répondent qu'ici ça va il n'y a pas de Noirs de toutes façons ! Hum... Je me demande si des Finnois nous diraient la même chose en nous entendant parler d'"Esquimaux".
L'objectif de la photo idéale : deux Français qui sourient bêtement dans l'eau du fleuve urbain, un autre qui passe en ski nautique, et derrière eux une péniche industrielle et le pont avec les embouteillages, plus un ou deux bidons rouillés qui marquent la limite de nage sûre , si c'est possible. On commence par une simple photo d'un Mexicain velu et bronzé qui lève une bouteille plastique des Trois Ours devant le pont, pour s'échauffer.
On prendra la photo un autre jour, puisque nos caleçons commencent à sécher et le temps passe, c'est l'heure d'aller chez Irina ! En effet, notre respo stage nous a invités à dîner chez elle ce soir.

Ce sont donc quatre jeunes gens (avec Benjamin) qui prennent le taxi pour aller jusqu'à chez elle. Ou plutôt pas le taxi, le combi ! Eh oui, les minibus-taxis collectifs comme au Mexique !
Pendant le trajet, le bouton de pantalon de Charles saute, mais pas de panique j'ai toujours une épingle à nourrice sur moi. Techniques Avancées.

Irina nous fait enlever nos chaussures en franchissant son palier, et nous présente trois de ses quatre enfants, entre 10 et 17 ans, et son mari Sergueï. On lui présente nos modestes présents : bouteille de muscadet et roquefort (!) français, oui c'est un cadeau à double tranchant (et triple senteur), je m'en rends compte rapidement. Ces deux denrées ont été consommées au cours du repas et se sont révélées à la hauteur gustative.
Le repas commence rapidement avec gâteaux apéritifs et verre de champagne. On admire un peu la bibliothèque. Sergueï est traducteur en allemand, anglais et français et en a traduit quelques-uns. Il sait très bien lire le français, mais l'oral est plus difficile étant donné nos règles de prononciation barbare. Irina, et Benjamin dans une moindre mesure, étant également multilingues, la conversation se tient dans quatre langues différentes.

On passe à des choses plus consistantes : salade niçoise, et premier verre de vodka, toast porté à la Russie.
On discute de Caritas, de la semaine qui vient d'être écoulée. Je demande comment font les sans-abris en hiver. Apparemment, ils dorment près des conduites d'eau chaude ou dans les caves de maisons.

On lève un deuxième toast, à la France. On commence à entrevoir ce qui nous attend... On troque la salade contre un plat au poulet. Et la bouteille de muscadet. Et toujours parfois le champagne. La conversation se détend.
J'apprends (et Ben aussi, lui qui est là depuis un an) en passant qu'Irina a été professeur d'histoire de l'art, avant d'être médecin à Caritas. Sergueï est prêtre catholique de rite byzantin (en gros, un orthodoxe qui a simplement son patriarche à Rome) depuis 17 ans. Ce qui explique la mini-église (enfin, une tenture richement décorée, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un iconostase "de poche") dans un coin du salon... Il nous raconte ses problèmes avec son évêque qui s'est révélé être intégriste, et qui l'a peut-être viré de sa paroisse, si j'ai bien compris.

Encore un toast, à l'Allemagne ! On rit beaucoup à présent.
Notre hôte nous apporte le thé, omniprésent ici, et nous parle de sa vie à Paris, des rues qu'elle aimait arpenter la nuit, et des boîte gay qui faisaient la fête toute la nuit sous ses fenêtres, et que c'est quand même pas normal qu'il suffise d'être homosexuel pour avoir le droit de faire du bruit à 3h du mat, et qu'elle avait même dû s'excuser après avoir dit le lendemain aux gens du bar "bonjour pédé", sans trop savoir que c'était mal perçu. Petit flottement parmi les trois Parisiens de la table... Elle embraye aussi sur les quartiers presque exclusivement arabes dans Paris, et les dealers de drogue et leurs arrogants signes extérieurs de richesse. Bon... Mais elle ajoute que finalement ce sont ces quartiers populaires vivants qu'elle aime dans la capitale. On respire.

Encore un toast, au Canada, pays de naissance de Charles ! On commence à être contents de pas avoir à se lever. Le fromage est apporté. Trois semaines en vadrouille et ça se sent, et ça se goûte. Miam. Irina approuve, mais n'est visiblement pas conquise par le pouvoir du lait cru, dommage.
Elle nous raconte des histoires d'anciens stagiaires, des polytechniciens ; leur école est évidemment inconnue ici, mais le statut d'officier militaire et la photo de carte étudiant en uniforme permet de passer rapidement quelques formalités avec les gendarmes locaux. D'ailleurs l'un d'entre eux il y a longtemps s'était retrouvé au poste après avoir nagé soûl dans une fontaine, et avait pu en sortir finalement grâce à ça, et à l'intervention d'Irina qui en avait entendu parler en quelques heures grâce au réseau de potins municipal.

Un nouveau toast, cette fois-ci au Mexique, je crois. Youpi ! Et du gâteau. Encore youpi !
Un X1999, Yohann Morello, était venu ici en stage, mais s'était révélé asocial et impoli, et jurant qu'il n'avait qu'une envie, c'était rentrer en France. Il est revenu néanmoins. Plusieurs fois. Puis il a fait le tour du Kamchatka, seul avec son cheval pendant deux ans dans la région infestée d'ours, et en a tiré un journal de voyage poétique et littérairement remarquable ; on a cherché cet ouvrage sur Internet plus tard, sans succès jusqu'à présent. Ensuite, Yohann le rigide est parti quelques temps en Argentine, est revenu en Europe de l'Est, et a fondé une prospère école de tango à Kiev en Ukraine. On peut voir des vidéos de lui sur Youtube. Respect.

Il commence à se faire tard mais on continue à échanger, sur les résidences de chacun, sur Palaiseau, sur comment on dit "gros nez" en russe, sur les avantages comparés de venir en Russie à un ou trois... J'affirme que je sortirais moins si j'étais seul [Note : mais le lendemain je me dis que le stage de césure de six mois seul à Novossibirsk, la ville étudiante à 700 km de là (donc tout près), pourrait me permettre de connaître suffisamment bien la langue pour en faire une vraie compétence, et de passer des moments incroyables]. On fatigue, on refuse de dormir sur place dans le canapé-lit, et Ben envoie un texto à la compagnie de taxi.
Dans le taxi du retour avec volant à droite (voiture japonaise, assez courant dans le coin), à la place des pédales sur la place avant gauche, il y a des néons stroboscopiques. Mes pieds font donc la fête, et pas moi, je suis un peu jaloux.

Et on s'endort dans nos lits une poignée de minutes plus tard.

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La Bise aux éléphants !

- Arthur

PS : "Y Антон есть большой нос, так он очень красивый ! И Квентин тоже !"