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Message  Team Rocket Lun 1 Aoû - 4:54

Police normale: Arthur écrit.
Italique: Charles P écrit, les NdA sont des notes d'Arthur.

Jour 9 : mardi 26 juillet

La femme de ménage nous réveille à 9h40 ; Quentin est attendu au camion, apparemment. Je descends éplucher des choux. J'avais jamais épluché de chou, et c'est un peu étrange. Sacha passe et me demande ce que je fais là, je dis qu'Irina nous a proposé de changer de poste, il peste et repart. Après quelques choux (j'aime ce mot), à la pause thé-brioche, petit scandale dans la cuisine. Je suis dans une espèce de cellier avec Charles, et je veux pas trop sortir...
Conflit de "hiérarchie" je crois, et principalement à cause de nous : vu notre niveau en russe, si en plus on commence à tourner, Sacha va se retrouver qu'avec des incompétents pendant tout le stage, et il n'en veut pas. Ou alors c'est juste que Quentin est un branquignole. Irina finit par revenir en nous indiquant que je retourne de service au camion.

Cet après-midi on ne sert que 34 sans-abris d'après Olga et son livre magique, hier il y en avait 50, et aujourd'hui on a un peu de reste.

Entre attendre Quentin le sportif qui fait son footing, manger des pâtes au thon et faire la sieste, on finit par se motiver pour sortir vers 23h30. Benjamin appelle alors et nous fait part d'un petit rassemblement de ses copains dans le centre, si on veut on peut venir. Bien sûr ! C'est ça ou retourner à l'Atlantide avec nos places gratuites, de toutes façons, et on a pleinement confiance en Benjamin notre Messie.
Sur place, à minuit, une demi-douzaine de jeunes garçons, dont le gars à Lolita. Ils forment les Jackass section Russie, me dit-on. La bière tourne. L'un d'entre eux connait la chanson Café d'Oldelaf et Monsieur D. ! À côté dans le parc, des filles s'amusent autour d'un guitariste, mais un des garçons me met en garde contre le chant des sirènes. Après coup, on n'aurait pas dû l'écouter. Un autre, Clim, nous invite à une soirée le sept au Che Guevara Club, on verra. Au détour d'une explication sur le sens de mon T-Shirt plantigrade et de deux photos e groupe, une jeune fille arrive dans le coin avec un jeune homme en chemise et dit bonjour à ce petit monde. On m'indique qu'elle s'appelle Youlia. Et Charles reconnaît la fille au T-Shirt d'abeilles de samedi soir ! Malheureusement, il ne déclame pas son poème de demande en mariage, et elle trouve visiblement que les gens ici sont un peu beaufs. Elle s'en va dans la nuit.

Un Russe footeux anglophone et petit, Valéri je crois, propose d'aller sauter à l'élastique. Je demande à voir, surtout que d'après lui ce n'est pas trop loin. Quentin et Benjamin rentrent, Charles et moi le suivons. Grave erreur. Sur le chemin, j'apprends que Valéri le fan de saut à l'élastique soûl en semaine à Omsk et porteur de maillot de football, est dans l'armée russe, en charge (enfin, dans le service en charge) des fusées nucléaires. Gloups. Je m'assois également aux manettes d'un engin de chantier abandonné pour la nuit.
Après deux heures de marche, on a dépassé tous nos points de repère dans la ville, suivi le chemin dans un petit bois charmant le long de la rivière et traversé le parc d'attractions pour enfants ! C'est joli, mais ça commence à faire loin, demain on travaille, nos compagnons sont beaufs et masculins, et ça sent globalement le plan foireux. On finit par prendre un taxi et on rentre au foyer. La ceinture place arrière était coincée.


Jour 10 : mercredi 27 juillet


Réveil difficile ce matin, on s'est couchés assez tard hier, notamment Arthur et moi après une sacrée soirée lose. Benjamin vient nous réveiller et constate l'état de dépravation ultime de la chambre pendant vingt longues secondes. Je vais en cuisine un peu tard, 10min après Dups je crois. Ça part en vaiselle, pain et autre chose dont je ne me souviens déjà plus. [NdA : à 9h15 dans la cour, personne, je finis par remonter ; à 10h, pareil ; à 11h, le camion était parti. Pas de boulot pour moi ce matin.] À 11h c'est déjà la pause, cool je m'endors jusqu'à 13h pour le déjeuner, où Benni vient nous réveiller encore une fois (eh oui nous redormons tous les trois). Au déjeuner il y a de la purée avec une sauce à l'agneau je crois, ça avoine bien. La dame qui nous nourrit vient nous demander si on en veut plus. Dups a un sourire narquois, dans un élan de défi j'en prends plus, il ne suit pas, il m'a bien eu l'enfoiré. Elle me ressert la même assiette, très très dur à finir mais je le fais par respect pour elle.

Aprem: peu de taff parce-que Dups est avec moi en cuisine, on finit tôt. On rentre dans la chambre, geeke quelques minutes puis décidons de profitons du soleil pour aller à la plage. Il fait chaud et lourd. Avant qu'on parte Arthur appelle, je comprends rien mais en gros il glande au centre-ville [NdA : mon tour d'après-midi commence à 14h. Je me suis présenté à 14h03, le camion était déjà parti. Journée 3x8]. Il est opé pour la plage, parfait. On s'y rend Dups et moi et on y retrouve Arthur au milieu de quelques beaufs et de beaucoup, beaucoup de jeunes filles fort charmantes. On décide de se poser à un emplacement stratégique, j'hésite entre lire ou faire le beauf dans l'eau, je choisis évidemment la seconde option accompagné du sieur Lepère. Après s'être rafraichis on glandouille, lit, mate l'étonnant coup de soleil sur les fesses de la fille en string à côté.

Au bout d'un certain temps, vers 17h, Dups propose un apéro dans un bar de plage assez sympa où on est déjà passés (cf l'épisode de danse latine où on s'est promis d'en faire notre credo). Arthur et moi en bons alcooliques approuvons. On retourne dans ce même bar, toujours la même serveuse Irina, toujours beaucoup de monde au balcon (ça fait partie de l'uniforme de travail je crois), et on la fait marrer à être des branquignolles en russe. Finalement je ne bois que du soft, Dups mange un petit gouter. On discute un peu. Je dis qu'on aurait du aller parler à un groupe de trois filles à côté de nous, dont une... à lunettes carrées. Sans savoir pourquoi (peut-être l'appât du gain qui sait) j'annonce aux autres que je retourne à la plage et que si je les retrouve je tente le coup.
[NdA : "sans savoir pourquoi" rien du tout ; outre les lunettes carrées, elle avait deux très bonnes raisons pour retourner la voir...]

On redescend, cherche un peu et on les voit. Je suis alors en tong, tshirt dégueu et maillot court, mon compagnon Arthur en tshirt "suce un ours" et Quentin reste décent comme à son habitude. Les autres, à raison, me freinent, mais je me lance et ça va encore, elles se marrent parce-que je galère en russe. On leur demande où elles teuffent (toujours la même rengaine), elles me proposent de me monter un bar stylé. Là je m'emballe et crois que ça part en apéro avec elles, que nenni, juste montrer où c'est... Le long du trajet les conversations sont très très maladroites, et pas seulement à cause de notre pauvre maitrise du russe. Il va falloir brainstormer de nouvelles idées pour devenir "stylés". Le bar se révèlera être le DJbar, visité le premier soir, un truc à chier, on leur dit que c'est pas notre gros kiff. Ania dite "lunettes carrées" me donnera son téléphone mais je sais d'ores et déjà qu'il ne me servira jamais vu son enthousiasme et celui de ses deux acolytes.

On les quitte pour rejoindre patron Benni au skate park du before de samedi. On arrive là bas, c'est très badant et il n'y a un personne. Photoshoot et tournage d'une vidéo pas drôle mais qui me laisse hilare à chaque fois (merci Dups). On va s'acheter du soft à boire puis on se pose dans un parc pas loin, sur un fontaine, entre des adolescentes et des gosses qui font du cerf volant tout en jouant avec des morceaux de verre coupés. On monte sur des espèces d'immenses toboggans soviétiques (on a une vidéo, je ne saurai décrire ça). On retourne au skatepark pour trouver Ben, sans succès. En fait il est dans le parc d'hier. Ok on y va, 5min à pied.
Quand on arrive on retrouve pas mal de gens du crew de la plage de samedi, y compris la belle Nastya qui fait accélérer les battements de coeur du Mexicain (à raison), ainsi que Marik le slovaque volontaire lui aussi à Caritas. On a rien à boire, on part acheter. Vodka orange ça sera, nos amis nous font remarquer qu'on a acheté une marque très drôle car ça veut dire "double" en russe. Incompréhension. On se tise pas mal, on commence à être saoul. C'est vers ce moment qu'on décide d'instaurer un régime militaire au sein de Caritas et donner le grade de Kaptain à Ben. En effet ce dernier remplace son service militaire (encore en vigueur outre-Rhin) par un service civil à Caritas Omsk. La bière tourne aussi. Finalement on ira acheter 5L de bière après pour pouvoir suivre leurs jeux à boire débiles (drink-chifoumi, et l'escalier : le n-ième à boire prend n gorgées, et on tourne). Après ça je peux affirmer qu'on a tous les trois atteint un stade d'alcoolémie inédit jusque là au cours de ce voyage russe. Même Dups est fracasse, c'est dire. On discute un peu avec des gens qui se sont greffés au groupe, pour ma part ça sera Inna qui a un maillot rayé et aime faire de la fitness (pas sûr pour ce deuxième renseignement). Dups et Arthur, notoirement saouls, feront des bastons de catch avec les Russes, ce qui vaudra au premier nommé un jean déchiré, ça t'apprendra tiens !

Le groupe se désagrège petit à petit, il ne reste plus que Nastya, Marik, Ben et nous trois. [NdA : j'ai pris un numéro, mais ça déconcentre d'avoir juste à côté Vova et Marek qui lancent des "Vas-y il veut ton numéro !""Passe-le lui, il te veut !" en russe. Rigolo. De toutes façons la fille était fan du beau à chapeau, probablement.] On laisse Nastya et Ben finir leur discussion en allant au KFC, pas évident pour Arthur, mais Der Kaptain est un bon gars. Dans ce temple de la gastronomie, on se ramène, toujours habillés en plagistes et visiblement saouls, pour trouver un groupe de jeunes filles propres sur elles et appareillées pour la soirée qui se retournent vers nous dans la file d'attente en souriant. Que se passes-t-il, je ne sais, si ce n'est que l'une d'entre elle, Katia, parle très bien français pour une raison qui maintenant m'échappe. On bouffe séparés puisqu'on est des freins, mais Arthur récupère un contact de la francophone je crois (je le laisse confirmer à l'oreillette) [NdA : j'allais faire le numéro de "on voudrait savoir où sortir, si tu fais des soirées on voudrait t'appeler, en plus tu es très jolie etc.", mais j'ai pu sortir que "Gg... Ya... Gmbxl... Tu me passes ton numéro de téléphone ?". Elle a accepté, la Providence réservait ses coups bas pour plus tard]. Après ça il est minuit, on rentre à Caritas, pour s'habiller et sortir à l'Atlantide en profitant de notre dernier soir d'entrée gratuite ! [NdA : Kaptain Ben, lui, est resté au foyer. Rappel : toujours faire comme Kaptain Ben.]

En ressortant il commence à pleuvoir, on prend un taxi [NdA : une voiture privée qui s'est arrêtée deux secondes après qu'on ait levé le bras, chauffeur sympa mais voiture toujours russe, c'est à dire évidemment avec une porte qui ne s'ouvre pas et des ceintures coincées] et on arrive devant l'épicentre de la nightlife omskienne (qui ne nous fait pas rêver mais bon). On essaie de rentrer, il se trouve que nos tickets ne valent rien. Aucune envie de dépenser les 150r pour aller dans un endroit pas top, on décide de rentrer à la maison sous la pluie. Il se met à tomber des cordes, on s'abrite un peu, un sans-abri vient nous demander de lui acheter à boire, on refuse, Quentin enchaine les clopes de son paquet tout fraichement acheté, et finalement devant l'acharnement des dieux qui font redoubler de puissance les averses, nous décidons de re-rentrer en taxi [NdA : trajet de cent mètres, et à l'arrivée on pose tous le pied dans une flaque genre Fosse des Mariannes]. Le gardien de Caritas se fout de nous en se marrant en nous voyant arriver trempés. Il faut savoir qu'on l'a déjà réveillé trois fois ce soir. Définitivement un gars au top. On va directement se coucher.


Jour 11 : jeudi 28 juillet

Petite journée.
Distribution de thé, distribution de nourriture.
En fin d'après-midi, nous partons à la recherche d'un restaurant sympathique dans Omsk. Facile à dire. Après avoir déambulé dans les rues à la recherche d'autre chose que le KFC ou le restaurant français chic, nous finissons par entrer au Pélican qui parait correct. On grimpe les trois étages. Malgré le menu où les photos des plats semblent tirées d'une boutique à kebabs, la serveuse à l'entrée nous fait comprendre que la salle obéit à un dress-code. Charles a son short en jean déchiré moulant et très court ; après quelque négociation, on nous fait nous asseoir à une table plutôt du côté bar.
Nous voici donc dans un restaurant pas très plein, sur scène une chanteuse entonne sans réel enthousiasme Besame Mucho, Lullaby of Birdland et d'autres standards plaisants. On prend un plat qui nous attire l'œil, et surprise ! ce sont en fait des quesadillas. Avec des champignons, des oignons et de la crème. Miam.

Le soir, Kaptain Ben nous balade avec Marek pour notre dernière soirée avec lui. On fait le tour de la ville en suivant ses bons plans : rock-club accueillant des headbangers metal, puis bar un peu intimiste où les serveuses portent des souris ou des oreilles de lapin sur la tête. Des mineures prennent des chichas, nos voisines derrière nous sortent un IPad, les tables abritent des bouquins en russe qu'il est possible d'échanger contre tes propres livres... Nous prenons une bière en discutant de tout et de rien, et repartons vers le foyer.
Sur place, dessert : gros plat de pâtes, parce que bon. J'envoie des mails à papa. Et on s'endort.


Jour 12 : vendredi 29 juillet



Petite journée de travail aujourd'hui. Au déjeuner, Benjamin reçoit un petit diplôme de remerciement de la part de l'organisation, c'est mignon. Puis ça part en grosse vaisselle mais Olga prend pitié de moi et me libère dès 14h30 (!). Arthur rate le camion Caritas de l'après-midi [NdA : je suis arrivé à 14h pétantes, ils étaient déjà partis sans moi depuis vingt secondes, c'est gratifiant...], ça part en grosse touchette. Il fait assez chaud mais c'est couvert, on décide de sortir en quête de cartes postale. On arrive à une librairie que Dups avait trouvée, ce dernier en trouve cachées à la caisse, youpi. Arthur achète 10 cartes postales, moi 2, eh oui je ne connais que les adresses de mes parents et... de mon coloc'.
On va alors se poser sur la plage qui est presque vide à l'exception de quatre adolescentes qui lanceront un débat sur leur âge au sein de notre groupe ainsi que de quelques beaufs habituels. Dups veut défier un bodybuilder en tractions mais il se dégonfle, évidemment. C'est pas tout mais on a rendez-vous à 18h à Caritas pour notre weekend idyllique en camping sur le bord d'un lac.

Après un shashlik de rigueur pour le gouter, on arrive vers 17h30 à Caritas et Sacha le boss d'Arthur nous gueule dessus en expliquant qu'on part maintenant, faut croire qu'il y a eu incompréhension. On fait nos sacs très vite fait, je prends ma tente, et on monte dans son 4x4, c'est parti pour l'aventure. Dommage que le temps soit peu clément.



Replaçons le contexte : on ne sait pas où ou va, qui sera avec nous à part Dima le fan de voitures qu'on a rencontré à l'Atlantide, comment on va loger (Charles a une tente au cas où), si on aurait dû prendre de la nourriture ou un fusil, l'heure du retour, et même finalement l'heure prévue du départ... Mais on est encore très enthousiastes !

Dans la voiture, Sacha le conducteur et Marina, une dame dont l'utilité m'est inconnue. Et me le restera encore au retour. Je la prends pour la femme d'Alexander, mais a posteriori c'est improbable. Elle essaie de nous parler un peu en russe, mais mon boss l'avertit rapidement qu'on ne comprend vraiment rien. Elle nous demande si on est protestant (luthériens), catholique ou rien du tout, on répond les trois... On finit par s'arrêter dans un presbytère hérétique protestant. Pour une petite messe d'une heure impromptue ? On aurait accepté sans comprendre de partir un week-end en camp biblique ?
En fait Marina était juste venue rendre un tabouret et un bouquin. Dans le couloir, une vieille femme nous explique longuement des trucs historiques à partir d'un poster. Elle était très enjouée, très souriante, et convaincue qu'on comprenait un traître mot à ce qu'elle disait. On a hoché la tête en disant "Da ! da !" et en posant deux-trois questions, bluff réussi. En fait, il semblerait que les Allemands de l'Oural aient été déportés (dans la région d'Omsk, évidemment) au moment de la guerre. Et que ça ait un rapport avec la photo de femmes qui coupaient du elle-même du bois. Et ça s'est peut-être passé pendant la guerre.
Ah, les joies de l'histoire locale ! Pendant cette discussion passionnante, une jeune fille aux yeux noirs envoûtants et suggestifs a traversé le couloir. Une brève apparition, une chemise qui remonte légèrement, et le trouble palpable dans les rêves à venir des trois élèves-ingénieurs. Ensuite elle part et le temps que la vieille finisse sa logorrhée, nous avions perdu sa trace.
Marina nous emmène dans la partie temple, et insiste pour qu'on prenne une photo.

Le 4x4 prend une route un peu cahoteuse sur la fin. Derrière, sans ceinture, je vis des montagnes russes à chaque nid-de-poule. Nous commençons à dégrader nos relations avec Marina lorsqu'on s'arrête brusquement après un panneau en russe indiquant "République allemande" (peut-être) qu'elle nous suggère de prendre en photo. Flemme de prendre l'appareil dans le sac, flemme de descendre, désintérêt pour ce panneau... On lui dit non merci.

Marina nous demande si on est déjà allé au village. On répond que non. Sacha, devant, rigole doucement.

Au bout d'une centaine de kilomètres, on traverse au ralenti un village désert, tristes maisons en bois peint qui tentent de mettre des couleurs dans ce paysage à l'abandon. Au milieu de la rue principale, un cheval tire une carriole dans laquelle un vieux au visage buriné semble plongé dans ses pensées. Tout est complètement plat à l'horizon, et vide à l'exception de ce village isolé, un ancien kolkhoze soviétique. Il est déjà sept heures du soir, le ciel est gris et bas. Marina nous fait remarquer un petit commerce local lorsque l'on passe devant. La voiture ralentit et s'arrête dans la cour d'une ancienne école. On comprend qu'on doit descendre. La porte de la maison s'ouvre et Dima vient nous accueillir.

On fait connaissance avec les autres jeunes déjà présents depuis quelques jours : Vova le designer aux lunettes trendy, Cristina la petite brune de 13 ans, et Alexander en fac d'histoire option timide/psychopathe. On comprend qu'on ne dormira pas sous tente, mais dans la maison avec nos sacs de couchage. Le village s'appelle Alexandrovka, nous dit-on. Nos visions de camping sauvage au bord d'un lac étincelant avec Irina notre respo de stage enjouée et sympathique s'éloignent. La perspective de les oublier par l'alcoolisme entre jeunes étudiants prend rapidement du plomb dans l'aile elle aussi : Marina reste là et ne semble ne devoir partir que samedi à 17h.
Dans la salle moquettée à l'étage, une table, un piano fermé, une fougère et une caméra : va-t-on se retrouver dans un porno cheap impliquant une collégienne et cinq garçons ? Deux ordinateurs portables sont en pause sur un film hollywoodien, un jeu de cartes est distribué sur la table, ça sent les soirées lose à la Cubillé. Quentin parle de rentrer plus tôt à Omsk.

Des tentes sont rangées dans l'entrée, Quentin essaie de s'accrocher à l'idée qu'on partira bien faire du vrai camping sauvage, mais cet espoir est rapidement balayé : Vova nous apprend que ces tentes servent aux étudiants à dormir au loin quand ils veulent faire un peu la fête sans attirer les coups de fourches des locaux. Après s'être un peu installés, un Russe suggère une partie de Mafia, le "loup-garou" local. On accepte, mais après deux erreurs et dix minutes de debriefing de chacune (j'ai mis longtemps avant de comprendre qu'effectivement c'était de leur faute), donc après avoir distribué plusieurs fois les cartes sans jamais arriver à la phase de débat et d'accusations, ils remballent. Constructif.

Le dîner se prend au café-restaurant local, vide en dehors de notre petit groupe. Silence tendu, conversations pas très internationales à part un "au fait ta mère te passe le bonjour", tout est là pour mettre une bonne ambiance. Bon point : le tourniquet bleu rouillé de la sortie nous amuse comme des petits fous.

Et si on partait visiter un peu le village ? Nous partons tous les huit à travers les rues mornes d'Alexandrovka. Des chevaux stationnent sur le bas-côté des rues. Des charettes traversent la grand-route. Effectivement il y a un lac, qui pourrait être plutôt magnifique si personne n'avait jeté des pneus sur la petite plage. Les traces au sol sur le terrain plat attenant dénotent la présence de kékés qui viennent faire leurs dérapages ici. On boit une bouteille d'eau. On apprend que les jeunes d'Omsk sont là pour faire un reportage d'histoire locale (d'où la caméra), et que c'est peut-être pour un devoir d'école de Cristina la brune de 13 ans.
La pluie commence à tomber, gouttes grises sibériennes, celles-là même qui venaient désespérer avec les fermiers du kolkhoze cinquante ans auparavant. Quelques changements ont eu lieu, mais globalement le mode de vie ne semble pas avoir été bouleversé par la chute du mur. Ou par l'invention du moteur à explosion, en fait. On se prend en photo devant une maison en briques faites de bouse séchée. On essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur, et de prendre ça à la dérision.

À l'horizon, rien. Du plat. Un peu de forêt au loin, mais aucune trace humaine, a fortiori aucun village. Les rafales de vent qui nous fouettent le visage sont similaires à celles des hauts alpages, là où rien ne fait obstacle à leurs courses.

Notre groupe franco-russe arrive alors face à un portail rouillé au milieu des hautes herbes. Seule la porte reste encore debout (sans même pouvoir tourner sur ses gonds), la clôture a disparu depuis longtemps. On contourne le portail et pénétrons la cour de la maison hantée.

Le ciel est encore gris, le vent est agressif et le pâle soleil du soir est terré derrière les nuages. La maison bleue en bois se dresse devant nous, silhouette maléfique aux carreaux cassés. Un jardin abandonné à ses pieds nous avertit : quelques fleurs cachent maladroitement un tas de terre fraîchement retourné. Je suis certain que quelqu'un qui y creuserait retrouverait les enfants perdus du village...
Nous entrons joyeusement dans la maison. C'est un ancien centre pour enfants. La peinture de grenouilles qui chantent sur les murs est encore en bon état. Personne ne sait pourquoi les jeunes du coin ne s'approchent pas de cet endroit, ni la raison de son abandon, ni même ce qui est réellement arrivé aux enfants. Dans une pièce, je lève les yeux et découvre un trou suspect au plafond, qui donne sur le grenier. À l'aide de Dima qui me fait la courte échelle, je réussis à passer la tête à travers pour jeter un coup d'œil...

Je ne décrirai pas ce que j'y ai vu.


Nous nous éloignons rapidement de cet endroit maudit. En me retournant une dernière fois, je vois deux petites silhouettes blondes à côté de la maison, qui nous fixent. Je ne suis pas arrivé à distinguer leurs yeux. J'ai pressé le pas.

Le soir, nous demandons à Marina de partir plus tôt, et de rentrer avec elle à Omsk le lendemain, si possible.



Jour 13 : samedi 30 juillet

A une heure du matin, Quentin nous tire du sac de couchage pour nous annoncer une bonne nouvelle ! Il y a des jeunes à Alexandrovka !
Nous (avec Charles et Dima) enfilons un caleçon et partons à sa suite. En effet, au pied de notre foyer, un groupe de jeunes filles papotent. On entame la conversation, on se présente, blablabla. Elles ont 17 ans, elles aiment les parfums français, le copain de l'une d'elles est à l'armée. Elles tentent de cacher leur visage (il fait très sombre), et quelques flashs nous confirment que ce ne sont pas les plus jolies Russes de notre voyage1. Charles fait des pieds et des mains et tente d'organiser une soirée pour le lendemain, avec leurs sœurs et leurs amies. Et leurs amis aussi, peu importe, juste rameuter la jeunesse du village en notre honneur !
Dima entre deux cigarettes nous révèle être né au Canada et avoir vécu avec sa famille au Kazakhstan pendant son enfance. Cela expliquerait peut-être son mulet et son amour pour les voitures2...
On finit par aller se coucher.
Trois Français sont réveillés le lendemain à 9h30. Notre projet de passer la journée à dormir pour ne pas voir le temps passer semble compromis. Petit-déjeuner au café-restaurant, encore vide, puis nous sommes invités à visiter le musée local !
Une dame nous parle en russe, Marina semble lui expliquer qu'on est des quiches mais qu'en allemand on se débrouille bien (c'est faux). Il faut savoir qu'ici tout le monde descend d'un Allemand déporté. Le musée consiste principalement (d'après les rares bribes d'explications que j'ai comprises) dans le retracé des qualités d'un des meneurs de la communauté, qui jouait moults instruments et pratiquaient un peu tous les arts. On a vu ses accordéons et ses tableaux. Quelques objets rappellent la condition du paysan : une baratte à beurre, une faux, une machine qui tourne et qui fait des trucs... Tout cela semble flou, mais quand on faisait remarquer notre incompréhension sur un mot à Marina ou à la guide, elles le répétaient en plus fort. Méthode peu efficace pour l'apprentissage du vocabulaire, mais Kaptain Ben nous confirmera que les gens lui faisaient souvent ça aussi.
Note culturelle : dans le musée était exposé un tourne-disque manuel, un gramophone avec disque-vinyle, diamant et tout le toutim, mais muni d'une manivelle qui faisait tourner le disque. La musique russo-allemande des années d'antan s'est élevée dans la pièce, dans le grincement caractéristique des enregistrements historiques.

Après avoir laissé dans le livre d'or un mot à destination des prochains Français à passer ici, nous repartons bouquiner ou écrire des mots croisés sur cartes postales. Déjeuner, achat de clopes Saint-Georges puissantes mais sûrement très mauvaises pour la santé - promis on arrête quand on rentre à Paris -, et balade à trois dans les rues. On philosophe devant le lac, on grimpe l'escalier jusqu'en haut de la petite tour de la flamme olympique devant le stade de foot, Quentin enchaîne huit tractions sur les barres du jardin d'enfants, puis on nous avertit qu'il faut rentrer.
La voiture du père de Dima nous attend, tout le monde rentre plus tôt finalement. Tant pis pour les jeunes qui feront la fête ici demain, nous on rentre à la maison !

Je passe le trajet de retour sur la place arrière centrale d'une voiture sans ceinture, avec un drapeau russe et un drapeau kazakh fièrement levés sur le tableau de bord, conduite par le père de Dima. Dima et son petit chien nerveux sont à la place du mort et, parfois assis, parfois accroupi, parfois debout, le jeune frère (2 ou 3 ans) occupe la place tout à fait sécurisée située entre les deux fauteuils avant. En prime, les nids de poule de l'aller sont revenus pour causer quelques inquiétudes.
Je m'endors pour ne rien voir.

On finit par arriver vivants et tout courbaturés à Caritas, on l'on croise Kaptain Ben qui rit avec nous de nos aventures. Charles lui pose des questions sur un club, une fille qu'on a rencontrée y va ce soir. Ben l'approuve. Il part peu après pour sa semaine dans l'Altai, pour parler de volontariat à des enfants de Caritas ; on lui dit au revoir, conscients qu'il va falloir se débrouiller sans notre Messie pour la semaine à venir...



Après nos adieux déchirants avec Kaptain et en se promettant qu'on se reverra ici ou ailleurs, l'équipe décide de faire ce qu'elle fait de mieux: dormir. Une heure ou deux de repos un peu superflu dans les jambes, il commence à se faire tard et nous décidons de partir pour un shashlik, puis le club où "Irina Fitness Club" m'a donné rendez-vous vers 23h.
Le tenancier du shashlik nous causera pas mal, il est Ouzbek, de Tachkent. Je lui explique que je veux visiter sa ville d'origine, il me répond que c'est une très belle ville. Ce n'est pas le premier à me le dire, ça me donne d'autant plus envie d'y aller prochainement. Ensuite, avec une gestuelle toute en finesse, il m'indique que les Ouzbèkes ne me branleront pas, ni ne se mettront en doggystyle avec moi. Moment un peu embarrassant, nous finissons notre shashlik en vitesse, on est légèrement à la bourre et on ne sait pas exactement où se trouve le club.

Nous nous dirigeons alors vers le pont de Saint-Pétersbourg (qui s'appelle toujours Leningradskii Mocte bien sûr)., puisqu'Irina m'a indiqué que le club n'en était pas loin. On demande à des gens où se trouve la rue du club, ils semblent nous indiquer que c'est sur l'autre rive, là où nous ne nous sommes jamais aventurés à pied et seuls. Bien qu'on soit loin d'être sûrs d'avoir compris les indications qu'on nous a données, pleins de courage on décide de traverser le pont, sous un feu d'artifice.
Sur la rive gauche de l'Irtycht, il y a très peu d'éclairage public et un complexe de type militaro-industriel un peu douteux se dresse là où devrait se trouver le club. J'appelle Irina et elle semble vouloir dire de sa voix chantante et à mes oreilles quasi-incompréhensible, que le club de situe juste après le pont, à droite. Nous sommes situés juste après le pont, on peut voir à droite une rue pourrie qui a l'air de descendre sur un parking abandonné où des jeunes font des dérapages en caisse, et des junkies de piquent. Évidemment nous fonçons têtes baissées vers ce paysage attirant. Nous sommes loin d'être convaincus d'être sur le bon chemin. Après cinq minutes de marche dans la pénombre nous voyons enfin l'entrée du club, et la musique techno se fait de plus en plus forte.

En arrivant au club Perestroika (souviens-toi de tes cours d'histoire de terminale !), on croise un mec qu'on a déjà vu mais dont j'ai oublié le prénom. Il porte, comme la première fois, un polo Lacoste rouge, ce qui fait dire à Dups que c'est un type bien. Lorsqu'il nous voit il a l'air assez fan, et dit au vigile qu'on est français. Ça part en check avec ce dernier, mais bon on paye quand même les 100r d'entrée (ce qui reste correct...). Je pénètre le premier dans la boîte et avant que j'y fasse deux pas une fille me saute dans les bras. Je ne sais pas qui c'est. Lorsqu'elle redescend je la reconnais, c'est une pote de Vova dont j'ai oublié le nom encore une fois. Elle fait le même coup à Arthur. On se dit que la soirée promet d'être drôle. L'endroit doit faire une quarantaine de mètres carrés, avec une seule salle et un balcon pour aller chiller en haut. La musique techno hardcore est forte et il y a des trucs fluorescents partout. On retrouve une demi-douzaine de connaissances, cette fille qui apparemment nous aime bien donc, ainsi que Nastya tatouée sur la tempe, le patron du skate shop qui fera une apparition éclair avant d'aller au 357, Irina fitness club, deux gars du crew Jackass Omsk, et d'autres illustres anonymes non moins sympathiques. À noter aussi, un mec qui se balade avec un masque à gaz et un hoodie motif camouflage qui laisse voir son torse; après sollicitation auprès d'un pote russe j'apprendrai que c'est un "fétichisme", de très bon goût d'ailleurs.

Après approximativement 90 secondes de flottement, nous retrouvons nos repères et sommes accoudés au bar. Il y a l'air d'avoir pas mal de trucs à base de vodka. Dups nous propose un "Fire Dragon", on acquiesce. Le serveur prend de la vodka et un truc à la banane dans un verre à vin, il le fait flamber, puis transvase le contenu liquide dans un autre verre tout en conversant les vapeurs de la combustion dans le premier verre à vin (vous suivez ?). Il nous explique qu'on doit faire cul-sec du verre avec du liquide, puis aspirer dans une paille l'intérieur du verre à vin. Le liquide se révèlera facile à faire passer, mais les vapeurs arrachent à mort. Je lève les yeux et essaie d'essuyer mes larmes le plus rapidement possible. Durant la soirée on reprendra un autre truc comme ça, plus quelques shots et bières. Tu l'as deviné, personnellement j'ai fini fracasse.

On fait les kékés sur le dancefloor, comme dans la grande salle du MOD mais cette fois-ci avec de jolies filles autour de nous, et d'autres beaufs de rigueur. Et je crois qu'on est cools parce-qu'elles font que me sourire. Laurent je tiens à ce que tu notes ça. Au bout d'un certain temps j'ai envie d'évacuer tout ce liquide emmagasiné dehors puisque je ne vois pas les toilettes. Alors que je pisse goulument derrière la boite, deux mecs viennent me parler comme si tout était normal. Ils sont fans de ma nationalité, et une fois ma braguette refermée ils me présentent à leurs potes dont je n'ai rien à foutre, sauf la charmante Valeria. Ils me proposent de la weed mais je refuse car la drogue c'est mal. Dups et Arthur seront moins lopettes que moi sur ce coup, une fois qu'ils nous auront rejoints quelques minutes plus tard.
Là je ne me souviens pas de tout, je danse pas mal dans la boite avec Irina qui ne fait que me sourire, je discute avec plusieurs personnes dont quelques nouveaux potes, Valeria a très chaud et monte sa chemise très haut pour nous dévoiler son anatomie, mais à mes yeux Irina fitness club me vend plus de rêve avec sa bouille sympathique et son t-shirt peu fashion. Je me fais prendre en photo par trois personnes différentes, je suis d'ailleurs en quête de ces clichés qui doivent aujourd'hui être quelque part sur Vkontakte.

C'est vers ce moment qu'Arthur chope une brune dans le style chubby répondant au doux nom d'Elena. On le perdra jusqu'à la toute fin de la soirée, sacré Arthur. Je ressors de la boite pour y trouver Dups en pleine discussion en russe (!) avec une jeune fille aux yeux verts hypnotisants. En fait elle a besoin de 50r pour son taxi, Dups plein de principes refuse, personnellement je pense que je lui aurais donné, à tort. Mon téléphone sonne (il est 3h), numéro inconnu. C'est une fille que j'ai rencontrée le weekend dernier qui cherche un endroit où dormir, grandiose. Désolé ça ne risque pas d'arriver à Caritas, à mon grand regret aussi...

Après une discussion d'homme à homme avec Dups, je me pose et Valeria me rejoint, je lui parle mais je crois qu'elle ne comprend rien à mon russe approximatif de mec bourré. J'ai eu pleins d'ouverture mais je n'avais pas l'esprit à ça, avec elle tout du moins. Une demi-heure plus tard je retourne à l'intérieur pour retrouver la boîte vidée de sa substance (ie. Irina a disparu), seuls trois beaufs dansent et Dups propose de rentrer. Il est 5h, ok bonne idée. Mission: séparer Arthur de sa copine qui alors ne sont plus qu'un. On lui laisse dix minutes d'adieu déchirants pendant lesquels Dups et moi iront se réfugier au chaud dans un hall d'immeuble (tour à bureaux ou résidentiel je ne sais), avant de se faire virer par la baboushka qui fait office de gardienne.

Taxi, retour à Caritas, Evguenie nous ouvre en 20 secondes, on cause fort avant de dormir ce qui a réveillé Maria la Slovaque (je l'apprendrai le lendemain matin). Dodo.



à noter : ma brune s'appelle Elena. Et un moment j'ai demandé à une fille ce qu'elle voulait faire quand elle était petite, elle m'a répondu astronome.

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