De l'avis d'un indien !

Commence alors une discussion fort intéressante sur la Russie, Sakhaline, Sodexo etc. J’y apprends que Sakhaline Energy (SEIC) est une société possédée pour une moitié par Shell (Allemand), et par Mitsubishi (japonais) pour l’autre. Un petit pourcentage revenant à des compagnies russes. Sur l’île, le gros concurrent de Sakhaline Energy est ExxonMobil. Les deux compagnies se font la guerre pour régner sur le gaz et le pétrole. Quelques années auparavant, BP était aussi de la partie mais des problèmes financiers les ont obligé à fermer boutique.
Rohan m’explique que ces compagnies pétrolières ne sont en fait que des compagnies administratives. Les plateformes offshore appartiennent à d’autres compagnies qui les louent (à hauteur de 1 million de $ la journée d’après lui) et sont exploitées par Schlumberger (compagnie française !). Les carburants extraits sont travaillés dans des raffineries au sud de l’île puis acheminés par bateau vers le reste du monde. Quasiment tout le pétrole part en Chine et au Japon. Peu ou pas du tout aux Etats-Unis. Même la Russie (mainland) est délaissée.
Nous discutons ensuite de la vie à Sakhaline. Rohan a vécu ici plusieurs années (dans cet appartement même !) et connaît beaucoup de choses. Son point de vue d’expat est vraiment très intéressant et j’en apprends plus en une soirée qu’en une semaine ! Il raconte que les gens d’ici ne sont pas du tout « friendly », bien moins que dans le reste de la Russie. Les gens de Sodexo à qui nous avons affaire ne sont pas du tout représentatifs car ils sont plus ouverts et nous considèrent comme faisant partie de leur groupe. Et il n’a pas tort ! Nous avons eu le sentiment d’être très bien accueilli car les personnes que nous avons côtoyé était toutes employées chez Sodexo où nous nous rendons chaque jour. Il est vrai que dans la rue les gens nous regardent bizarrement. Dans les commerces, on dirait que les gens n’éprouvent aucun intérêt à notre sujet, ne serait-ce que pour comprendre ce qu’on veut leur acheter…
Selon Rohan, la population de Sakhaline est plus conservative que dans le reste du pays. Les femmes n’ont aucune envie de carrière et ne désirent que de trouver un riche expat’ avec lequel elles se sentent à la fois libres et protégées. Etrange cohabitation entre besoin de liberté et désintérêt total pour les carrières professionnelles... D’ailleurs, un peu plus tard dans la soirée, Rohan redira que les Russes ne sont pas bons pour travailler et ne vivent que pour le plaisir : alcool, sexe et sommeil…
Grâce à toutes ces ressources, Sakhaline est devenue une île très riche. Toujours d’après Rohan, le salaire moyen du personnel de bureau dans les compagnies gazières et pétrolières tourne vers 2000-3000 $ par mois. Chez Sodexo, on doit être dans les 2000. Il estime le loyer de notre appartement (3 chambres, cuisine, salon, douche et toilettes) à 1200, 1400$/€ par mois. Avec tout ça, on comprend mieux pourquoi les prix ne sont pas si différents de Saint Petersbourg.
En continuant de discuter, j’apprends que la seule concurrence que connaît Sodexo est constituée d’anciens employés qui montent leur propre boite et reprennent des projets (ce qui est arrivé pour ExxonMobil…). Apparemment, la mise de départ n’est pas si importante : il ne faudrait qu’une dizaine de millions de roubles par mois pour nourrir une base de quelques centaines d’âmes. A méditer !
Rohan l’indien est venu en Russie après avoir travaillé dans des hôtels car cela payait bien. Il a appris le russe sur le tas et comprend maintenant 80% de ce qu’il entend. Il a bossé comme manager en finance et administration à Sakhaline et s’apprête à partir à Magadan pour voir ce qu’il peut dénicher. Par ailleurs, il connaît très bien Edi Perisic depuis 6-7 ans, le PDG de tout Sodexo Russie, avec qui il a travaillé plusieurs années. C’est grâce à ce dernier, ancien ENSTA (!), que nous pouvons effectuer ce stage. Marié depuis 1 an, il souhaite être muté pour l’Inde (où Sodexo croit rapidement - investissement de 100 millions de dollars l’an dernier dans diverses entreprises) afin de retrouver sa femme. N’étant alors plus expat’, le salaire deviendra bien sûr plus faible... Mais il faut choisir !